La déclaration «Fiducia supplicans» du dicastère pour la Doctrine de la foi, datée du 18 décembre 2023 et signée par le cardinal Victor Manuel Fernandez, ouvrant la possibilité de bénir des couples homosexuels, continue de susciter de vives réactions. Celle du cardinal africain Robert Sarah, ancien préfet de la Congrégation pour le culte divin, n’est pas passé inaperçue au Vatican.
Dans un «message de Noël» publié lundi 8 janvier sur le site diakonos.be dans sa version originale française, ce haut prélat de 78 ans originaire de Guinée entend exprimer un sentiment dominant sur le continent africain, plutôt choqué par la décision romaine. Dans son texte, il remercie ainsi les Conférences des évêques, africaines notamment, qui ont fait part d’une «opposition ferme» à «Fiducia supplicans».
Le cardinal guinéen dénonce « la confusion, le manque de clarté et de vérité et la division » suscités par la publication de Fiducia Supplicans, quelques jours avant Noël. Délivrée par le dicastère pour la Doctrine de la foi le 18 décembre, le document autorise la bénédiction non-liturgique des couples irréguliers et de même sexe.
S’en est suivie une pluie de réactions divergentes. Si certains de l’épiscopat belge et l’épiscopat allemand ont exprimé leur enthousiasme, de nombreux évêques africains ont fait part de leur désarroi, certains exprimant notamment la difficulté d’appliquer le texte dans des pays où l’homosexualité est interdite. Dans son message, le cardinal Sarah salue le courage des évêques africains, dont « [il] partage et fait [siennes] les décisions et l’opposition ferme à la Déclaration “Fiducia supplicans » ». Prenant la défense de l’Église en Afrique qu’il estime « souvent ignorée, méprisée ou considérée comme excessive » il dénonce fermement « ceux qui n’ont pour unique obsession que de complaire aux lobbies occidentaux. »
« Une hérésie qui mine gravement l’Église »
Citant le pape François, Jean Paul IIet Benoît XVI, Mgr Robert Sarah développe longuement les raisons de son opposition à Fiducia Supplicans. Assurant ne pas s’opposer au pape François, le cardinal guinéen considère que le document publié le 18 décembre par le dicastère pour la Doctrine de la foi constitue « une hérésie qui mine gravement l’Église, Corps du Christ, parce que contraire à la foi catholique et à la Tradition. »
Pour le cardinal Robert Sarah, la récente déclaration du Vatican destinée à clarifier Fiducia Supplicans n’a pas apporté de réponse satisfaisante. « Bien plus, par son manque de clarté, elle n’a fait qu’amplifier le trouble qui règne dans les cœurs et certains s’en sont même emparés pour appuyer leur tentative de manipulation », assure même le prélat guinéen.
Pour l’ancien préfet de la Congrégation pour le culte divin, « Il est évident que l’on peut bénir l’homme qui, peu à peu, se tourne vers Dieu pour demander humblement une grâce de changement vrai et radical de sa vie ». Il ajoute cependant que « la prière de l’Église (…) ne peut jamais être détournée pour devenir une légitimation du péché, de la structure de péché ou même de l’occasion prochaine du péché. »
L’Église exposée à des « tentatives de manipulation »
Dès lors, il dénonce les « tentatives de manipulation » de ceux qui affirment que l’Église admet désormais les bénédictions des couples de même sexe. Visant d’abord les médias, il pointe également du doigt « certains évêques », se référant implicitement à une partie de l’épiscopat allemand qui, dans le cadre du « Chemin synodal », a autorisé la bénédiction de couples homosexuels en mars 2023.
Très attendue, la réaction du cardinal Sarah à Fiducia Supplicans fait suite à celle de Mgr Gerhard Müller. Le cardinal allemand avait averti dans une déclaration du 20 décembre que les prêtres procédant à ce type de bénédictions risqueraient de commettre « un acte sacrilège et blasphématoire ». De sensibilité conservatrice, les deux cardinaux avait déjà exprimé leurs inquiétudes concernant une autorisation des bénédictions des couples de même sexe, quelques semaines avant l’ouverture du Synode sur l’avenir de l’Église, en octobre 2023. Le cardinal Müller avait soutenu à ce propos les dubia (doutes/questions) signées par cinq cardinaux, dont le cardinal Sarah, et soumises au Pape au cours de l’été 2023.