Dans une tribune libre parue à la Rédaction de Gabon Mail Infos, Yvan Comlan OWOULA B. Chercheur en Histoire des Relations Internationales, spécialité Paix et Sécurité en Afrique, analyse la place de la Technologie des médias dans l’héritage culturel africain au moment où le Président de la République Ali Bongo Ondimba prend à nouveau la tête de la CEEAC. Lecture !
Le continent africain est d’une richesse immense, du fait de sa diversité culturelle qui témoigne de la multiplicité des peuples de cet espace. Dans le même temps, l’Afrique est largement consommatrice des nouveaux moyens technologiques qui favorisent la vulgarisation des savoirs, savoir-faire ou de « l’afrocentralisme ».
Le lien entre cultures africaines et technologie des médias résiste mal à la critique et rend davantage difficile la notion d’héritage. Ce constat est une réalité dans l’espace régionale de la CEEAC, mettant par ailleurs en exergue une réelle crise de l’intégration dans cette espace avec pour corollaire immédiat une méconnaissance accrue de l’institution, de ses missions et objectifs.
On note d’emblée que l’usage de la technologie des médias est de façon générale une donnée importante qui renseigne d’ailleurs sur le niveau d’implantation de cet instrument sur le continent et cela est fort perceptible à travers deux principaux indicateurs : la forte démographie jeune du continent, soit environ 77% de sa population et l’impressionnante et massive production au relent culturel (musique, cinéma…).
Seulement, si la technologie des médias est une réalité forte sur le continent du fait des efforts consentis par les différents Etats, cas du Gabon. Il y a lieu de noter qu’elle participe difficilement à la diffusion des savoirs africains car ce qui est renvoyé à travers ces canaux de transmission n’est majoritairement pas représentatif des cultures africaine, mais surtout une sorte d’hybridité et un folklore qui dépeint les sociétés continentales sous des traits maquillés, édulcorés et déconnectés de notre réel patrimoine.
Acerbe et corrupteur, cette vulgarité devient un facteur d’une redoutable inquiétude qui densifie davantage le fossé entre une Afrique noire en réelle crise de l’africanisme et son rapport au monde dans le concert des nations et son positionnement dans la mondialisation.
La connaissance ou l’influence des savoirs endogènes n’est que pale et d’un effet mitigé. Tel est le réel constat. L’absence d’une posture au substrat « afropertinent» échappe cruellement à la capacité de l’africain noir à donner au monde son originalité. En Afrique centrale autant qu’ailleurs, tout ou presque reste à faire, interpellant pouvoirs politiques et scientifiques devant la léthargie qui embrigade la possibilité d’érection d’un réel concept fédérateur qui fasse que se reconnaisse l’ensemble des populations « afrocentraliennes ».
Cette coordination est d’abord l’affaire des scientifiques comme l’ont été dans les années 1930 et avant, les mouvements de la Négritude et du Panafricanisme. Dans cette ligne d’expression, J-F. Owaye exprime qu’ « Il faudrait, sans doute, résoudre plusieurs autres équations sociologiques : la modélisation ou la conceptualisation des schémas de développement sous-tendue par des corps de sciences sociales africaines. » Que fait-on de la charte de la Renaissance de la culture africaine ?
En effet, en son préambule, la charte de Khartoum stipule « qu’il est urgent d’édifier des systèmes éducatifs qui intègrent les valeurs africaines et les valeurs universelles afin d’assurer à la fois l’enracinement de la jeunesse dans la culture africaine et de l ‘ouvrir aux apports fécondants des autres civilisations […] dans la perspective d’un développement endogène durable ouvert sur le monde ». Qu’en est-il à ce jour en CEEAC ?
Pour finir, retenons l’afrocentricité comme outil de promotion de nos savoirs endogènes et pour un héritage africain qui sache profiter aujourd’hui des nouvelles technologies de diffusion et de vulgarisation. Dans le vif contexte de renouvellement de la présidence de la CEEAC, il importe, dans une relative exigence, de rappeler qu’outre la politique, les valeurs démocratiques, les préoccupations socio-économiques, la question de l’intégration culturelle pour la préservation des savoirs endogènes est une marque indélébile de la volonté de construire une Afrique centrale forte et active à partir d’une afrocentricité ceeacienne.
Que compte donc faire Ali Bongo Ondimba face à ce chantier herculéen ? Wait and see !