Dans la course à l’élection de la présidence de la Fégafoot, plusieurs avis émergent. Parmi les nombreux avis, il y a celui du coach Camille Lendeme, par ailleurs juriste, qui fait la différence entre l’incompatibilité et l’inéligibilité dans une tribune libre. Lecture !
De manière générale, l’incompatibilité est le caractère de ce qui est incompatible, c’est à dire ce qui ne peut s’accorder ou vivre ensemble.
En droit, l’incompatibilité est l’état de deux situations juridiques dont la loi interdit la coexistence. Ainsi, on parlera d’incompatibilité de fonctions lorsqu’une même personne ne peut exercer simultanément deux fonctions. Le régime des incompatibilités vise à éviter tout conflit d’intérêts ou tout comportement déloyal susceptible d’affaiblir l’autorité ou l’indépendance d’entités dans lesquelles une personne pourrait exercer simultanément.
Par exemple, selon l’article 32 de la Constitution, « les fonctions de membre du Gouvernement sont incompatibles avec l’exercice d’un mandat parlementaire ». Il existe donc une incompatibilité entre les fonctions de Ministre et de Député. Pour bien comprendre ce qui se joue, les députés qui votent la loi, consentent l’impôt et contrôlent l’action du Gouvernement peuvent-ils, en même temps, être membres du Gouvernement qui conduit la politique de la Nation et prend des décisions en conséquence ? Non. Voilà pourquoi ces fonctions de Député et de membre du Gouvernement sont déclarées incompatibles par la Constitution. Car on ne peut contrôler des actes que l’on a soi-même posés pour éviter de ne pas être juge et partie.
Cependant, pour bien faire la différence entre l’incompatibilité et l’inéligibilité, l’article 31 de la loi fondamentale a tenu à éclaircir tout débat pouvant survenir quant à cette confusion possible dans certains esprits non éclairés : « …Un membre du Gouvernement est éligible à un mandat parlementaire ». Il était donc évident que le fait d’être en charge d’une fonction n’empêche pas de se porter candidat pour une fonction incompatible avec la première. Mais si l’on est élu ou nommé, la personne doit choisir entre les deux fonctions. L’incompatibilité n’interdit donc pas la candidature, mais s’oppose à la conservation simultanée des deux situations mettant l’élu en situation d’incompatibilité. Sinon, aucun membre du Gouvernement ne pourrait se porter candidat à une élection législative. L’existence d’une incompatibilité est, en conséquence, sans incidence sur la régularité de l’élection.
Quant à l’inéligibilité, elle empêche directement l’accès au mandat en cause. Ainsi, une personne atteinte d’inéligibilité ne se sera pas admise à concourir pour ledit mandat. Les causes d’inéligibilité sont fixées par les textes en vigueur (Constitution, Loi).
Pour revenir à la Fégafoot, une simple incompatibilité n’aurait vraiment pas suffi à éliminer un candidat. Clairement, ni les dispositions de l’article 35.4 des Statuts de la Ligue de football professionnelle qui précisent qu’« un membre du comité exécutif ne peut être simultanément membre d’un organe membre de la Fédération Gabonaise de football », ni celles de l’article 159 de la Loi n°033/2020 précisant que « Les membres du Cabinet du Ministre, l’Inspecteur Général, le Secrétaire Général, les Directeurs Généraux, les Directeurs et chefs de service en poste au Ministère en charge des sports ne peuvent être membres des bureaux du Comité National Olympique du Gabon, d’une fédération, d’une ligue ou d’une association » ne sont de nature à empêcher une candidature à la Fégafoot. Seule une inéligibilité clairement rédigée l’aurait pu.
Brice Mbika Ndjamba a donc été illégalement éliminé de la course. De même, il n’aurait pas été nécessaire à la Commission de recours de de la Fégafoot se torturer les méninges pour rafistoler des explications afin de valider la candidature de Jérôme Efong Zolo, alors Directeur Général de l’Office National de développement du Sport et de la Culture. L’occupation de leurs fonctions ne constituaient pas une cause d’inéligibilité, mais simplement une incompatibilité à exiger en cas d’élection réalisée. En fin de compte, les lettres de démission à déposer avant l’élection auprès de la Commission électorale n’ont aucun sens.
Il va de soi que dans son infinie précaution, le législateur n’a pas pu confondre les notions d’incompatibilité et d’inéligibilité. Par contre, si une nouvelle tendance de l’opinion viendrait à s’orienter vers l’incompatibilité de toutes les situations décrites aussi bien dans les statuts de la Ligue National de football que dans la loi n° la Loi n°033/2020, des rédactions plus claires dans le sens souhaité devraient alors être effectuées.
C’est alors que l’on en vient à s’interroger, au mieux sur l’incompétence des membres de la Commission électorale, au pire sur leurs motivations latentes.
Lors des élections à la FIFA, a-t-on déjà éliminé un candidat au motif qu’il serait membre d’une Confédération et donc, de droit, Vice-Président de la FIFA ? Le Président Issa Ayatou n’a qu’à venir nous éclairer, lui qui s’était opposé à Joseph Blatter !
Camille Lendeme,
Coach et juriste.